Margotte veut une thèse

Margotte a eu une bonne idée pour le sujet de sa thèse. Une excellente idée, une idée qui permet d’entrevoir des perspectives sur le long terme avec un ancrage solide dans sa discipline de prédilection. Margotte a eu une bonne idée. C’était il y a trente ans.

A vrai dire, d’ailleurs - mais elle n’aimerait pas qu’on le répète - l’idée n’était pas d’elle mais de ce professeur Renard dont elle avait suivi quelques cours du séminaire du temps qu’elle s’inquiétait de devoir un jour gagner sa vie en dehors des rangs de l’Université. Ils étaient quelques uns à s’imaginer un destin semblable à celui de leur maître; mais comme aucun ne se distinguait par l’intelligence (Renard avait coutume de dire que “tous ses étudiants étaient brillants”. Puis ajoutait à destination des intimes que “seuls les très brillants l’intéressaient”), ce furent la fraîcheur et l’étroitesse des hanches qui s’imposèrent comme une évidence au vieux Renard. Que voulez-vous, il faut bien choisir !

Aujourd’hui que la thèse est soutenue depuis plus de vingt ans, que les concurrents se sont éloignés et que la carrière est faite, la veine de l’idée initiale est tarie.

Margotte aimerait bien avoir une idée, pour alimenter son séminaire et l’imagination des quelques étudiants dont elle a retenu l’attention en leur répétant ce qui à elle-même lui avait tant plu il y a vingt ans. Mais voilà: n’est pas Renard qui veut. Et le vieux en mourant avait construit l’imposture; et les moyens de la dénoncer.

Xavier-Laurent Salvador