La corruption est soeur de l'imposture, voilà pourquoi

Parmi les choses les plus frappantes qui caractérisent la dégradation des rapports entre l’Institution et le politique, il en est une réellement frappante: l’imposture érigée en art de gouverner.

Ce qui pourrait sembler un aphorisme de bistrot peut toutefois être assez aisément identifié dans la manie qu’ont les responsables de systématiquement contourner les interlocuteurs légitimes des administrations concernées au profit d’institutions de paille, auto-proclamées et auto-gérées, dont on ne sait rien et dont la misère intellectuelle est inversement proportionnelle aux airs d’arrogance, de certitude et de mépris qu’elles se donnent.

  • On en voit aujourd’hui un exemple flagrant dans la réaction des hommes du patrimoine (#NotreDame) à la volonté gouvernementale de contourner non pas les experts, mais les savants qui sont à la tête des Instituts de conservation et qui savent, n’en déplaisent à tout le monde, mieux que quiconque ce qui doit être fait, et comment.

  • On en a vu un autre exemple récemment dans la volonté gouvernementale de faire analyser les doléances du grand débat par des institutions privées dont l’incompétence n’est plus à démontrer aujourd’hui quand l’Université quant à elle fait métier, notamment en sciences humaines, de former les futurs cadres aux analyses automatiques, à la détection des biais et à l’extraction EXHAUSTIVE d’informations. Bande de nazes ! Mais non, il faut que le pouvoir en place aille chercher ailleurs des gars qui coûtent plus cher, mais qui font moins bien, tout en insultant les chercheurs, les savants (toujours pas des experts) dont c’est le métier. Et de voir ce sénile de Michel Serre venir à la télévision expliquer un dimanche soir que le privé est bien légitime car “qui d’autre dans la fonction publique aurait la compétence”. Et bim, dans les dents !

  • On en connaît un exemple courant, c’est le recours systématique aux instituts de sondage d’opinion quand l’administration a inventé, il y a bien longtemps, un truc qui ne marchait pas trop mal, et que l’on appelait autrefois le vote, voire “la votation” dans certaines contrées mal parlantes pour savoir ce que pensaient les gens. Il faut croire que les sondages font mieux e sont plus représentatifs. Et le mensonge prend. Quand on pense aux moyens électroniques qui rendraient le vote fiable, pléthorique et résilient et qu’on continue à faire semblant de croire que les votes dans une urne sont plus fiables que les consultations numériques ! Vous croyez vraiment que les banques auraient basculé dans le numérique s’il n’y avait pas moyen de faire fiable ? Bref…

Je pourrais citer encore mille exemples de cet acabit: la routine est systématique et consiste à emprunter aux vrais savants leurs costumes, leurs airs sentencieux parfois, leur vocabulaire déroutant et à mettre en place une institution quelconque dont le principal moteur est l’argent. Allez comprendre…

Le vrai problème de ce mécanisme dont tout le monde connaît la force sans toujours trouver les mots pour la dénoncer (“l’imposture”), c’est qu’il encourage les minables qui croupissent dans l’ombre à s’emparer du pouvoir dans les institutions désaffectées et à profiter de l’entre-soi que provoque le désamour pour tuer les savants et leur voler leur légitime notoriété. Ce faisant, ils font d’une-pierre-deux-coups: ils accèdent à un poste qu’ils ne méritaient pas, et surtout, ils donnent raison au pouvoir dont ils briguent les faveurs en le confortant dans le mépris qu’il entretient pour eux. Ainsi en est-il de la Recherche, mais ce serait trop long…

Voilà comment la décadence naît de la soif de pouvoir des politiques qui, au lieu de croire en la vérité, se complaisent dans la flatterie et encouragent la prévarication qui est source de corruption - la petite soeur de l’imposture. L’argent attire les imposteurs et leur permet de tuer leurs concurrents qui se plient à leur tour au jeu de l’imposture. En effet, puisque c’est dans l’appât du gain que naît la concurrence avec l’‘Institution, il ne faudrait que 5 minutes au Prince pour rectifier le tir. Mais l’argent qui domine nourrit les imposteurs de l’une et l’autre part également.

Il ne reste plus alors qu’à l’imposture de se prétendre Authentique, et c’est tout l’Univers qui s’effondre.

Xavier-Laurent Salvador