Amour(s)

Depuis maintenant plus de 8 mois, l’épouse de Phaéton est partie. C’est déjà la deuxième fois que cela lui arrive: il n’y peut rien, voyez-vous. La nature est ainsi faite que selon lui l’homme n’est pas fait pour vivre en couple. Il est intarissable sur le sujet. Mais voilà, la solitude lui pèse.

Mignotte, qui n’est plus à l’âge des amourettes, s’est éprise un peu malgré elle de Phaéton. Sa douleur, qui n’est qu’un ennui, lui confère une profondeur, une intelligence qu’elle ne lui avait jamais remarquées auparavant. Elle va, elle virevolte autour de lui: elle ne veut pas qu’il s’ennuie à ses côtés. L’autre flatté n’en revient pas de tant d’attentions. Mais elle va plus loin, car elle n’ignore en rien qu’il a tendance à se laisser séduire. Avec elle, ce sera différent !

Et voilà qu’elle l’entretient sur la réforme de sa vie, le suit, le conseille et en un mot, l’instruit. De tout. Des bienfaits de manger bio, de prier, de faire du yoga, d’avoir des enfants et une bicyclette, de faire du sport, de lire et d’avoir des amis différents. Elle ne le lâche plus jusqu’à tant qu’il en devienne un autre tout différent. Quant à lui, conscient qu’il faut céder, accepte de se contrefaire, voit ses amis discrètement et ne boit plus qu’avec modération. Tant et si bien qu’un beau jour Mignotte réalise que l’homme qu’elle avait rencontré ne ressemble plus en rien à celui avec qui elle partage sa vie et commence aussitôt à lui en vouloir de sa lâcheté, de n’avoir pas su se défendre contre elle et d’avoir aussi facilement cédé à tous ses caprices.

Fort heureusement, la guerre n’est pas longue. Charmé par le doux regard d’une passante, l’autre a fui les ardeurs guerrières d’Athéna.

Il en va ainsi de notre temps: l’homme est plus fidèle en amour qu’on ne le croit. Mais à lui-même et personne d’autre.

Xavier-Laurent Salvador