Mon ami Plouc

10/09/2018

** Anecdote **

Laisse moi vous entretenir de mon ami Plouc dont le trait de caractère est parmi les plus répandus en ce monde chez ceux qui, faute d’intelligence et de subtilité, en viennent à imaginer que le temps passé sur terre compte à soi seul comme l’unique vertu estimable et qu’à ce compte, ils sont d’une infinie respectabilité.

Affublé par la nature d’une élocution difficile, qui trahit son peu de culture, et d’un esprit lourd et sans répartie, il n’est d’aucun charme en conversation. On peut toujours tenter de plaisanter avec lui, c’est là chose impossible, et cela pour deux raisons. La première, c’est qu’il ne comprend pas; la seconde, c’est qu’il ne rit qu’à ses propres plaisanteries qui sont les seules dont il croit saisir toutes les implications. Je dis qu’il “croit” cela car à y bien regarder, ses plaisanteries souvent douteuses ont le don de lui attirer l’inimité des hommes qu’il agresse et le mépris des femmes, insultées. Quelques poules corruptibles parfois se laissent aller à le trouver amusant, ce qui pour lui vaut toutes les récompenses. Lent à la réponse, il compense par une extrême agressivité que sa parole empêchée contrarie quelque peu au grand bonheur de tous ceux qui se voient ainsi dispenser d’avoir à subir une conversation. N’ayant jamais compris ce qu’il pouvait bien y avoir à chercher dans la Recherche, sa carrière l’a amené à gravir les échelons de l’administration. C’est d’ailleurs là une mode bien française qui consiste à confier la gestion des affaires les plus sensibles aux personnes les moins à même d’y réussir, bref. Et dans l’ombre de personnes à la rhétorique plus aiguisée, il en est arrivé à l’âge de la Retraite à s’imaginer qu’il est lui-même l’auteur de la réussite de l’Institution qui pourtant ignore encore son existence. C’est au moment de se faire remercier qu’il comprend alors qu’il est bien seul au Royaume des cons.

Ah, vous ai-je dit que mon ami Plouc est né dans les îles ? Cela vaut d’être dit, car à y bien penser, c’est peut être l’occasion de trouver la source de son vice. Mais par chance, il a parfois le Rhum gai. Acariâtre, maladroit et grossier, les personnes qui le fréquentent en viennent très rapidement à se détourner de sa conversation. Les voilà donc racistes et odieux, sapajous, méprisants, insultants et source de toutes ses incompétences. L’explication est vite trouvée.

Mais voilà qu’il trouve enfin un endroit où réussir et prendre du pouvoir: une association, un parti, un club quelconque. Et soudain tout s’éclaire: il est donc bien l’homme brillant que sa maman lui avait promis qu’il serait ! Voilà 65 ans qu’il attend ce moment… Malheureusement pour lui, Midas des caniveaux transformant en boue tout ce qu’il touche, il en vient à ruiner la pauvre association qui lui faisait confiance. Est-ce de sa faute ? C’est évidemment impossible. Que fera selon vous pauvre Plouc confronté à la médiocrité de son existence, à l’inanité de ses ambitions, à l’ineptie de ses discours ?

Il tuera, car tout est discours. Sauf lui.

Xavier-Laurent Salvador