sensibilités

Tous mes amis qui s’interrogent sur “la nature de l’offre politique” qui les contraint “à faire un choix par défaut”, ou “à se documenter” pour “essayer de mieux choisir” me font l’effet de ces gens que l’on invite dans un restaurant qu’ils n’ont pas choisi et qui, pour se donner une contenance, font mine d’hésiter longtemps devant le menu pour finir par prendre une salade, qu’ils n’aiment pas, et un verre d’eau qu’ils oublient aussitôt. La vérité est qu’en fait ces gens-là, n’appartenant à aucun camp - ce qui ne les rend pas plus libres pourtant car n’ayant par conséquent aucune conviction à défendre, ont transformé la vie politique en un vaste spectacle destiné à la séduire, à l’image d’une vaste cour galante et obscène: ce qui les flatte (et me consterne). Et plus le discours politique va dans le sens de ces stratégies de séductions que l’on se complaît à décrire à travers les médias qui ont enfin un vrai rôle à jouer (celui de la duègne ou de l’entremetteuse), plus ils se sentent en fait aimés (c’est agréable sans doute); plus ils se sentent également au coeur du débat qu’ils feignent en même temps de mépriser. C’est ainsi que sont nés dans la bourgeoisie le concept de “sensibilité” qui dispense d’avoir une “conviction” et le concept de “valeurs” qui dispense d’avoir des “principes”. Et permet d’avoir une “sensibilité” de gauche tout en ayant une vie de droite; et permet d’avoir une sensibilité de droite, tout en défendant la mondialisation dont l’interprétation peut être plus ou moins favorable au capital.

Le personnel politique est une émanation d’un groupe. Eduqué au dialogue et à la tolérance enrichissants, il n’a par définition jamais été destiné à convaincre ceux qui ont des principes opposés aux siens. C’est normal et évident. Imagine-t-on Besancenot convaincre Steve Jobs ? L’opposition radicale entre les deux n’est pas une “offre” du “menu” politique. C’est la colonne vertébrale d’un ensemble de principes dont les racines naissent profondément dans la culture et la philosophie d’un peuple, qui s’incarnent à un moment dans l’esprit de lois dont il faut décider, collectivement, de l’avenir.

Le tweet de Pivot a fait un peu parler. Moi je le trouve bien: il dit clairement le danger que cette indécision de courtisane fait courir au principe démocratique qui n’est pas, qui ne doit pas être aux mains des sophistes flatteurs un instrument pour plaire et séduire (ça, c’est le théâtre).

Les politiques doivent défendre une idée, et c’est là-dessus qu’ils doivent être jugés par le nombre. Point. Il n’y a pas d’alternative au débat que le nombre de personnes qui adhèrent à un modèle: pour ou contre la propriété ? pour ou contre l’héritage ? etc.

Xavier-Laurent Salvador

Ailleurs (encore)

Bien, mes bons, mes gens. Les gueux grondent et gueulent, gare ! Sctroumpf-à-pulls-moches ?

  • oui ?
  • Une idée, vite ? Depuis que nous avons perdu la valise-de-la-mère-à-Robert avec les 4 milliards dedans, on a un peu perdu en crédibilité. En plus, les moteurs sont en feu, l’activité: en déclin et surtout, ma machine Nespresso est entartrée. Bref: vite, une idée pour redorer mon blason.
  • gnnnnnnnnnnnnnnnnnn
  • Schtroupmf-à-pullmoche ?
  • nnn oui ?
  • Quétufais ?
  • Vous m’avez demandé une idée, non ?
  • oui -Bon. gnnnnnnnnnnnnnn -Alors ? -…. nnnnnnnn….. -Alors ? -Rien -Mince. Comment tu fais ? Gnnnnnnnnnn -Alors ?
  • ! J’ai une idée ! -Chouette, Chef. C’est pour ça que vous êtes chef. -Il faut une mesure forte qui renforce notre crédibilité, nous pose en interlocuteurs du pouvoir, montre que nous avons un cap et une vision. Nous allons… -Oui ? -…augmenter les Vice-Moi !
  • …. -_-….
  • Quoi ? -On ne devrait pas plutôt montrer, suite à nos erreurs de gestion, montrer des signes de bonne volonté, rationaliser nos budget, poser des prévisions stables et prendre des mesures économes qui montreraient aux collègues, pardon: “aux gueux”, que nous construisons l’avenir ? -Non mais oh ! Fini oui ? J’ai dit: on va s’augmenter.
  • Oui mais…
  • Stop, ou je redistribue ton augmentation aux autres augmentés
  • ()
  • Voilà. Ahhhhhh. Je sens que je domine la situation, que nous reprenons la main: sentez-vous le vent du succès gonfler nos voiles ?

Xavier-Laurent Salvador

Ailleurs (2)

(ailleurs, loin, dans une autre galaxie - 2)

  • …tonk…tonk…1,2…dzjoirrrrk….1,2, vous m’entendez ? ..tonk,tonk…
  • oui, chef, c’est bon. On vous entend.
  • ##&&…dzziiik….Mes bons, mes gueux, merci de vous être rendus disponibles….
  • ouais, il est bon, il est chaud
  • chhhht ! C’est qui le chef ? Hmmmm ? Bon, merci d’être venus ce matin
  • en même temps, c’était obligé, alors…
  • Bon, Josiane
  • oui, chef ?
  • Passez-moi mon désintégrateur à neutrons
  • Voilà Chef
  • Merci. ZIIIIIIIIIIIIIIIP CLAAAAAC
  • Bien, disais-je, avant d’être interrompu par un gueux, merci d’être venus. je voulais vous voir parce que nous, la haute aristocratie qui avons en charge la vie de nos administrés, nous, qui avons une place de parking rien qu’à nous, nous, qui sommes arrivés au sommet de notre carrière, nous, donc, devons réfléchir aux orientations qui nous permettront de réduire à néant les forces obscures de l’intelligence qui jusqu’à maintenant trustaient tous les postes, mais fort heureusement, maintenant, cette époque révolue, c’est nous que v’là, ♫♫Quand on arrive en ville♫♫
  • Bravo (bravo), oui, psssssst clap clap
  • Oui mes bons. Réfléchons ensemble.
  • Vous voulez pas dire: “réfléchissons”, chef ?
  • non. C’est qui le chef ?
  • C’est vous chef.
  • Bon, alors ta gueule Josianne.
  • Oui Chef
  • Alors, dites-moi où nous en sommes !
  • ………………………
  • ………………………
  • chef ?
  • Oui,schtroumpf-à-pull-moche en charge R&D ?
  • Moi j’ai de bonnes nouvelles.
  • Ahhhhhh! Allez, on t’écoute.
  • Vous vous souvenez de l’équipe de nos administrés super brillante qui avait plein de succès et qui permettait à notre administration de briller sans rien foutre, y’avait qu’à parasiter ce qu’ils faisaient ?
  • Ah oui .. ?
  • Notre plan a fonctionné !
  • Bravo ! Et ça consistait en quoi déjà ?
  • Ben, on les a harcelés, nos taupes se sont activées et maintenant, ils ont tous démissionné, il n’y a plus d’équipe, ils sont tous partis et ils n’ont plus de budgets, ils sont à sec, enterrés, vissés, nada, niet, que dalle, plus de coopération, plus de collaboration: le VI-DE, on les a bloqués à tous les étages.
  • Ah Ah ! Bien joué. Au fait, pourquoi on a fait ça ?
  • Parce que c’est des mafieux.
  • Noble cause: comment le sait-on au fait ?
  • Ben, ils travaillaient pour nous.
  • Sinon, dis moi. C’est maintenant que notre plan super secret va se mettre en marche et qu’on va récupérer la mise en plaçant notre arme secrète, hein ?
  • Quel plan ? Ah non.
  • Comment ça: “non” ?
  • Ben, non: on n’a pas de plan. Vous aviez dit: “lutter contre les forces obscures de l’intelligence”, alors nous…
  • … C’est complètement con ?
  • oui, c’est pas l’idée générale ?
  • … Ah si, à chaque fois j’oublie que nous sommes les forces lumineuses de la connerie. Du coup, c’est bien joué. Et eux, ils souffrent ?
  • Ben non, ils ont des projets quand même et ils trouvent du pognon pour les réaliser.
  • Ah Ah: ben on va le récupérer, vu que ce sont nos gueux ?
  • … euh non, parce qu’on les a tellement bien bloqués, que du coup, ils mettent leurs économies ailleurs.
  • … C’est vraiment super con.
  • Oui, chef, comme convenu

Xavier-Laurent Salvador

Ailleurs

Scène de vie, ailleurs, dans une autre galaxie)

  • Chef, Chef !
  • hmmmm ?
  • vous vous souvenez que vous avez interdit l’accès du parking aux gueux, et que du coup, il y a plein de problèmes ?
  • oui, et alors. Tu vois pas que je répare ma machine Nespresso ? J’ai constaté une diminution de 0,3 bars dans le jet de la buse ce qui engendre un décalage du cycle de compression de la cartouche N21 et….
  • Chef, on s’en fout. Vous vous souvenez aussi qu’on a égaré 4 Milliards d’euros sur notre plan de financement alors que Robert les avait mis en lieu sûr dans l’armoire près de la cantine dans une mallette marquée : ‘‘ne pas ouvrir’‘…
  • oui, bon, et alors , tudiouuu. Qu’est-ce que tu veux que ça me fasse ? Je te dis que le cycle de compression de ma machine est en phase de décalage. Cela fait courir un grave danger, car si la phase ne revenait en cycle A calé sur f(n)=tan(x), le mélange avec le sucre béghin say risquerait de se faire à un seuil inférieur à la température nécessaire pour l’épanouissement des glucides et….
  • Chef, on s’en fout encore. Les mêmes gueux qui se font abîmer leur voiture parce que vous voulez qu’ils marchent demandent des explications sur les comptes !
  • Oh ! Bon sang ! Ah mais tu as bien fait de m’alerter. Le danger est encore plus grave que je ne le craignais. Car si cela se savait, alors…. je pourrais ne plus avoir de machine Nespresso ? Nooooooooooon
  • Got damned capitaine. Qu’allons-nous faire ?
  • Mes bons, vite: brastormons !!
  • vous voulez dire: ‘‘brainstormons’’, non ?
  • non. C’est qui le chef ?
  • C’est vous chef.
  • bien: qu’allons-nous dire aux gueux pour expliquer cette maladresse ? Je ne cois aucune issue acceptable…
  • Chef, j’ai une idée.
  • Ah ? eh bien, parle.
  • On a qu’à dire que c’est la faute à microsoft
  • …. C’est complètement con ?
  • Oui. Mais il ne me vient rien d’autre.
  • ….
  • bon, adopté. Et passez moi ma clé de 12.
  • oui Chef.
  • Merci. au fait Robert ?
  • hmmm oui ?
  • Bon travail. Vous pourrez garer votre voiture sur le parking.
  • je viens en train chef.
  • vous pourrez le garer aussi.

Xavier-Laurent Salvador

Margotte veut une thèse

Margotte a eu une bonne idée pour le sujet de sa thèse. Une excellente idée, une idée qui permet d’entrevoir des perspectives sur le long terme avec un ancrage solide dans sa discipline de prédilection. Margotte a eu une bonne idée. C’était il y a trente ans.

A vrai dire, d’ailleurs - mais elle n’aimerait pas qu’on le répète - l’idée n’était pas d’elle mais de ce professeur Renard dont elle avait suivi quelques cours du séminaire du temps qu’elle s’inquiétait de devoir un jour gagner sa vie en dehors des rangs de l’Université. Ils étaient quelques uns à s’imaginer un destin semblable à celui de leur maître; mais comme aucun ne se distinguait par l’intelligence (Renard avait coutume de dire que “tous ses étudiants étaient brillants”. Puis ajoutait à destination des intimes que “seuls les très brillants l’intéressaient”), ce furent la fraîcheur et l’étroitesse des hanches qui s’imposèrent comme une évidence au vieux Renard. Que voulez-vous, il faut bien choisir !

Aujourd’hui que la thèse est soutenue depuis plus de vingt ans, que les concurrents se sont éloignés et que la carrière est faite, la veine de l’idée initiale est tarie.

Margotte aimerait bien avoir une idée, pour alimenter son séminaire et l’imagination des quelques étudiants dont elle a retenu l’attention en leur répétant ce qui à elle-même lui avait tant plu il y a vingt ans. Mais voilà: n’est pas Renard qui veut. Et le vieux en mourant avait construit l’imposture; et les moyens de la dénoncer.

Xavier-Laurent Salvador